trois
anges sont venus ce soir
m’apporter
de bien belles choses
l’un
deux avait un encensoir
l’autre
avait un bouquet de roses
quelques
notes en sourdine et la voix de mon père au dessus de mon lit d’enfant, où
volait une hirondelle blanche.
Je
me souviens de :
La
nuit est limpide
L’étang
est sans ride
Dans le ciel splendide
Luit
le croissant d’or
Un
soir de juin. Un promenade dans la campagne proche. Une mare verte et les
chants mélancoliques de quelque crapauds que nous ne dérangions pas. En bas,
dans la vallée, les appels de paysans encore au travail, les aboiements des
chiens dans les fermes et l’odeur si caractéristique des grands sapins avançant
doucement dans la nuit. Et mon père encore, et sa voix de crooner.
Je
me souviens de :
Sous
les ponts de Paris
Lorsque
descend la nuit
Tout
un tas d’gueux se faufilent en cachette
Et
sont heureux de trouver une cachette
Le
dimanche matin je crois, une émission « la radio de papa ». Il
écoutait quasi religieusement et chantait les yeux perdus. Ah que sa jeunesse
était belle malgré la guerre, le maquis, le STO et l’armée du Rhin. Je
pensais : que serais-je moi après autant d’années ?
Je
me souviens de :
Nous
avons vu les pas de notre Dieu
Croiser
les pas des hommes
Nous
avons vu brûler comme un grand feu
Pour
la joie de tous les pauvres
Cantique
nouveau alors, chanté avec tous les camarades de classe. Le jeudi matin il y
avait la messe et nous y mettions tout notre cœur : à la fin c’était
vraiment jeudi..
Je
me souviens de :
Buvons
encore une dernière fois
A
l’amitié l’amour, la joie
On
a fêter nos retrouvailles
Ca
m’fait d’la peine, mais il faut qu je m’en aille
Les
guitares sortaient des housses, les carnets de chants des sacs. En chantant,
nous nous regardions simplement être heureux, garçons et filles, autour d’une
vielle table en bois dans une ferme un peu perdue à flanc de colline. Le
répertoire était vaste et nous tenait bien toute la nuit. Celle-ci était la
dernière. Immuablement. Mais les rires duraient jusqu’au matin, pelotonnés dans
les duvets.
Je
me souviens de :
Au
bord de la rivière
Margot,
Margot
Mirait
son p’tit derrière
Dans
l’eau, dans l’eau
Sans
doute le seul couplet d’une chanson « leste » que je pourrais citer
ici. Des étudiants en goguette et éméchés chez « la Vévette » café
restaurant de Caluire où on se retrouvait, braillards, paillards, extravertis,
vulgaires et jubilatoires. L’âge où le vin grise et la vie plus encore.
Je
me souviens de :
Sorrow,
sorrow
Since
you left me
Sorrow, sorrow
In
my heart
Mort
Schuman et sa voix grave et un peu cassée. La boîte pleine à craquer tamise les
lumières. Elle est là dans mes bras, légère, aérienne. Son corps contre le
mien. Ses dix-sept ans fiers et timides à la fois. Elle sait déjà les yeux
émeraude, la finesse de la taille et la naissance dorée des seins où perlent
des larmes de parfum. Ses lèvres se posent sur les miennes. Le monde n’existe
plus. Elle est toujours là ce soir, ma douce, ma seule musique de vie, mon
éternel amour.
Je
me souviens de tant de musiques, de tant de chansons. Ma tête en est remplie et
toujours je fredonne. Parfois je chante fort, très fort même, toute honte bue.
Les êtres disparus qui ont peuplé ma vie me reviennent en musique et
m’accompagnent encore. Les évènements gais ou tristes qui l’ont émaillé
demeurent aussi en musique. C’est ainsi.
Mes
souvenirs se chantent, et mes regrets aussi … vous voyez, je ne peux pas m’en
empêcher …
Voilà un billet qui me parle !
RépondreSupprimerLes carnets sortaient des sacs...les guitares sortaient des housses...
Ça ne m'a pas quitté cette fièvre.
¸¸.•*¨*• ☆