jeudi 30 juin 2016

Dans ma valise

J’ai dans ma valise des vallées bleues où s’endort le soir, des brousses d’or hérissées de maigres arbres tors, des immensités désertes, des oasis au fraicheur verte accueillant les targuis sur la route du nord, des ports étranges et des odeurs d’épices, des métisses parfumées vendant leurs corps aux marins en partance, des palais vénitiens, colombines, arlequins et mes mains gantées de velours noir, la vision du fantôme au long bec d’un vieux Casanova, les plaines embrumées des matins d’automne, des aubes orangées tournant les moulins à prière aux murs des lamaseries, les jonques alignées dans la douceur marine, la chaussée des géants aux confins de l’espace, les îles vierges envolées sur l’océan des nuages, une reine d’ébène nue avançant dans les nuits africaines, les plages de ton corps, tes hanches mouvantes, les orbes somptueux de tes seins d’odalisque orientale, la voix d’Ella Fitzgerald, le piano d’Ellington, le velours de Nat King Cole, des clairières au creux de forêts sombres où dansent les sorcières, la colère des volcans, l’infini reflet de la lune sur la mer étale, les elfes ailés volant vers Brocéliande, Pink Floyd et Tangerine et Moody blues et mon adolescence, les ombres blanches et diaphanes de ceux que j’ai aimés et qui sont partis vers d’autres mondes … mes rêves d’avenir et ton regard en point de mire.

Mais je n’ai jamais su plier une chemise !



dimanche 19 juin 2016

Elodie et l'histoire des hommes artistes

Il avait posé son chevalet, là juste au bord.
De ses yeux océan il caressa l’horizon
Sur la toile bise il traça une ligne droite
Blanche aux reflets bleutés
Les bleus infinis des mers et le blanc pâle du ciel
Puis il resta longtemps, le geste suspendu
Attendant
Un sourire sous la fine barbe blanche
Et le regard acéré
Il était là depuis l’aube de son temps
De son temps à lui
Il en arrivait au crépuscule et il savait
Qu’il allait enfin saisir le moment ultime
Qu’il allait enfin toucher l’instant ténu, subtil
Celui où la mer commence juste à se retirer
Au bout de sa course inexorable sur la langue de sable
L’instant de la limite du monde.

Elodie relut son poème. Elle rendait hommage à son grand-père artiste peintre qui avait disparu quelques semaines auparavant. Endormi pour l’éternité sur une plage sauvage d’une crique bretonne, le pinceau à la main, le front appuyé sur la toile à peine colorée.

La nuit parfumée entrait par la fenêtre ouverte. Une nuit d’été tiède et piquetée d’étoiles. Elodie regardait les grands marronniers au fond du parc balançant doucement leurs branches sombres. Elle resta quelques minutes à rêver puis décida d’aller dormir. Elle se retourna et resta figée, immobile : une femme petite, pâle, voutée se dressait devant elle, calme, un léger sourire aux lèvres. D’une voix grave elle murmura
- N’ai pas peur, je ne te veux aucun mal. Je veux juste te raconter une très, très vieille histoire ».

Elodie n’eut pas peur. Elle s’assit sur son lit et observa cette ombre, ce fantôme charnel et diaphane.
- Qui es-tu donc ?
- Je suis une de tes ancêtres, mais très, très anciennes. Je suis née il y près de dix-huit mille ans. L’humanité était déjà ancrée sur la terre. Nous étions peu nombreux, mais nous vivions en groupe et en famille. Je m’appelle Avanoa. Nous habitions dans une région magnifique qui ne s’appelait évidemment pas encore la France. Nous avions déjà des outils pratiques de toutes formes et de toutes finesses, issus de la pierre. Mais surtout nous avions aussi des espèces de peintures, de couleurs et nous décorions aussi nos lieux de vie. Mon compagnon était le plus extraordinaire des artistes. Il se nommait Dalen. Je suis venue ce soir pour te raconter une anecdote qui se lie quelque part avec le départ de ton grand-père.

Elodie, bouche entr’ouverte et yeux écarquillés, buvait les paroles de cette surprenante apparition. Avanoa reprit son récit :
- Dalen avait un talent incroyable. Durant longtemps il broya des pierres de couleurs, recherchant le minéral le plus adapté. Il prépara également du charbon de bois et des pierres taillées pour graver la roche. Puis un soir il pénétra à l’intérieur de la colline avec tout son attirail, de la nourriture, de l’eau et des torches. Il demanda à ses frères de refermer l’entrée par un tas de pierres. Il demeura fort longtemps à l’intérieur. J’étais inquiète et malheureuse de ne plus le sentir près de moi ; mais j’avais une confiance absolue dans son art. Et puis un soir, nous l’avons entendu nous appeler derrière l’amas de cailloux fermant la grotte. Tous se ruèrent pour enlever les pierres. Dalen était là, amaigri, couvert de poussières et de poudre d’ocre. Je me suis précipitée contre lui. Ma vie recommençait enfin.

La famille et la tribu n’osait pas entrer. Il insista et nous guida longtemps jusqu’à une sorte de galerie éclairée par des dizaines de torches qu’il avait allumées. Alors nous sommes tous restés sans voix devant l’œuvre extraordinaire de Dalen. Des taureaux, des bisons, des aurochs, des félins, des chevaux, ces cerfs couvraient la pierre. Il avait aussi dessiné des rhinocéros et des ours. Sous les lumières des flammes, ils semblaient se mouvoir, courir, marcher. La vie était là. Dalen était le magicien de la couleur et des formes.

Voilà, Elodie. Je suis venue ce soir, simplement pour faire le passage entre les hommes des cavernes, artistes exceptionnels et les hommes modernes. Mon compagnon et moi, tes ancêtres immémoriaux, nous avons sans le savoir créer une lignée d’artistes durant des milliers d’années. Ton grand-père est un maillon de cette chaîne infinie. Et toi aussi, poète et rêveuse, dont le destin est tracé dans le cosmos, comme celui de Dalen.

Avanoa, se dressa, sembla toucher la main d’Elodie et disparut dans une vapeur bleutée. Bleutée comme la ligne droite du dernier tableau de son grand-père.



vendredi 10 juin 2016

Loïs et Clark (synopsis)

- Scène 1 -

- Ah, non, peste, cela est impossible, pas aujourd’hui, pas maintenant !
(L’homme apparaît voûté devant son ordinateur. Sur l’écran, on voit clignoter « connexion impossible ». Son immense cape semble désespérée. Il se retourne et se lève péniblement. Son corps se déplie et laisse apparaître une musculature impressionnante)
- Ah mon Dieu, que vais-je devenir ? (Il se lamente en se tordant les mains)
(La porte de son bureau s’entrouvre et une silhouette s’inscrit dans l’embrasure)
- Eh bien chéri, que se passe-t-il ?
- Mon ordinateur dysfonctionne, mon amour. Je suis fort embarrassé !
- Oh mon pauvre chéri. En quoi puis-je t’aider ?
(La silhouette est désormais en pleine lumière. Elle est très belle et tient un saladier dans la main gauche et un fouet de cuisine dans la main droite. Elle s’avance, pose les ustensiles et s’approche de l’homme. Elle pose sa main sur le torse puissant)
- Ne sois pas si stressé, mon Clark chéri. Tu as vécu tant d’autres situations bien plus délicates.
- Tu as raison, mon ange. Je dois me ressaisir (il se tient droit, de profil, la lumière sculpte sa plastique parfaite et semble irradier son visage)
- Mais, dis-moi, Loïs, que dois-je faire maintenant ?
- Eh bien, prendre ton petit déjeuner. J’étais en train de préparer des œufs brouillés. (Elle reprend le saladier, le fouet, et sort de la pièce vers la cuisine. Il lui emboîte le pas dans un bruit un froissement de tissu)

- Scène 2 -

(Ils sont assis à une table de plastique rouge vif. Devant eux, bols, assiettes, couverts, pains toastés, mugs de couleur, jus de fruit)
- Tu te sens mieux, mon chéri ?
- Oui, merci mon amour, mais aide moi à mettre de l’ordre dans mes idées. (Il se tape sur les tempes avec les deux mains)
- Bien : quel était ton programme du jour ?
- Tu as raison. Rationalisons l’événement. Que ferai-je sans toi qui vins à ma rencontre ? (Il la regarde amoureusement. Elle lui rend son regard et frôle sa main droite)
- Je devais arrêter le déraillement de trois trains dont un TGV en gare du Creusot, éteindre un incendie en forêt équatoriale, empêcher douze attentats djihadistes en Europe, repasser mon deuxième collant et me rendre sur krypton, pour voir maman. (Il est à nouveau bouleversé et se tord les mains)
- Tu avais besoin d’internet pour tout cela, Clark ?
- Oui, bien sur, pour préparer les plans de vol, comprends-tu. ? T’ain, t’es conne ou quoi ? (il prononce cette dernière phrase en hurlant)
- Calme-toi, mon ange (elle s’est levée, se place derrière lui et lui masse les épaules avec dextérité)
- Oh, pardon, je m’en veux d’être aussi soupe au lait, tu sais. Je t’aime ma Loïs.
- Je t’aime aussi, mon Clark. (Ils s’embrassent avec fougue)
- Mais, as-tu essayé de travailler ton imagination et ta mémoire ?
- Doux jésus ! Où avais-je la tête ! Mais bien sur ! (Il se précipite dans son bureau, renverse la cafetière qu’il redresse immédiatement grâce à son regard bionique)
- Oui, oui, mon cerveau fonctionne, je vais pouvoir sauver le monde. Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre ? (Il est heureux comme un enfant et rit à gorge déployée. Elle rit aussi comme une folle en se roulant sur le canapé du salon)
- Je m’occupe de ton collant. Va, mon amour et ne rentre pas trop tard. Les Tarzans viennent dîner ce soir.
- Oui, je sais, je m’en souviens aussi. (Il rit encore et s’envole par la fenêtre, le poing tendu vers l’infini galactique. Elle le regarde disparaître dans le soleil, une larme au coin de l’œil)

- Coupez !
- On la garde. Bravo les enfants. Je vais voir les rushes tout de suite.
- Euh … désolé, patron, sans internet, impossible. Les vidéo sont sauvegardées sur le cloud … alors ...
- Mais j'ai conservé mon carnet de notes ! Un truc de vieux !


vendredi 3 juin 2016

Un si dangereux trésor

Il y avait bien longtemps que les rumeurs guerrières s'étaient tues dans la plaine du Grand Affrontement. La victoire sur Aarkham et ses créatures du diable, acquise grâce aux auriculoptères et à l'infini courage des hommes et de leurs alliés, avait été suivie d'une période de paix et de prospérité. Les Arzontax avaient presque tous disparus. Harpidesternen était à présent un homme paisible préférant ses arpens ombragés aux ampourlées tumultueuses du haut commandement. Seuls avec lui restaient de leur célèbre groupe, Bastheta la Douce, son éternelle compagne, et Gorouk, retiré dans la tour gardienne du Ksar de la Porte des terres d'en haut. Hasterin, le babil détenteur du grand secret, était devenu le Grand Elite et régnait sans partage sur le monde connu. Les races s'étaient mêlées, simionigers et hommes d'abord, donnant naissance à des êtres hybrides doués de pouvoirs étranges dont Hasterin avait été le précurseur. Bientôt des métisses de toutes espèces vinrent peupler les terres de l'Avers dans un étonnant brassage. Le monde changeait, mais dans une harmonie foisonnante.

Bastheta s'approcha d'Harpidesternen alors qu'il contemplait une fois encore l'obscurité mauve gagner les collines environnantes.
- Et si nous essayions de retrouver Grandcornu ?

Harpidesternen sursauta. Il y avait des milliers de mirlosques qu'il n'avait entendu le nom de cet hippogriffe si cher à son cœur. Celui qui n'avait jamais faibli, même au pire moment de la grande bataille, quand les nuées de fourcheux obscurcissaient l'horizon. Celui qui n'avait jamais trahi sa confiance.
- Quelle idée farfelue, douce compagne. Nos âges sont avancés et nos forces nous quittent. Et puis les hippogriffes sont partis rejoindre le monde des ombres, leur monde où nous n'avons pas notre place.
- J'ai fait un rêve insista Bastheta. Nous avancions dans une plaine fleurie de fumeuses blanches et d'arabesqueuses pourpres. Nous n'étions que nous. Seuls. Un bruit d'aile survint et il était là. Grancornu, encore plus grand, encore plus beau. Il s'arrêta devant nous et murmura : viens vers moi Harpidesternen. Viens, j'ai quelque chose à te montrer. Puis un bruit dans l'orifeu interrompit mon rêve et je me réveillais.
- Ce n'est qu'un songe, ma Douce, qu'un songe. Même si les hippogriffes ont des vies bien plus longues que les nôtres, Grand cornu doit être déjà vieux à présent. Il n'a plus de raison de faire appel à nous, tu sais.
- Ce n'est pas un appel, Harpi, mais bien plutôt une prière. Et Grandcornu a toujours communiqué par la pensée. Allons, nous sommes les seuls à connaître le chemin de leur vallée perdue et nous avons encore assez de courage et d'énergie pour la rejoindre.

Après longtemps de discussions et d'hésitations, Harpidesternen qui savait les talents prémonitoires de Bastheta, finit par céder. Etait-ce simple curiosité, le désir de lui faire plaisir, ou bien une trace de cette soif d'aventure qui les avait jadis poussés sur les traces du grand éléphant, il ne le savait pas vraiment lui-même. Cet hippogriffe devenu mythique et qui avait sa statue dans nombre de ksars de l'Avers, lui manquait sans qu'il s'en fut rendu compte. Et puis, ce serait certainement leur dernière aventure. Après les préparatifs d'usage, accompagnés d'une poignée d'hommes surs et d'un équipage limité au strict nécessaire, ils prirent bientôt la route vers la vallée perdue. Celle-ci s'ouvrit devant eux après plusieurs lunes de voyage. Le passage de l'étroit défilé qui en gardait l'entrée se fit sans encombre. La vallée qu'ils découvrirent alors les laissa stupéfaits, tant sa beauté dépassait tout ce qu'ils avaient vu jusque-là. Un infini de plaines verdoyantes où ondulaient sous un vent tiède des herbes aux couleurs éclatantes. Des arbres imposants, sentinelles muettes et mouvantes, jalonnaient le paysage et l'on devinait parfois les méandres des cours d'eau, par l'apparition fugace de leurs reflets bleus. Ils restèrent immobiles et silencieux, craignant même que le son de leur voix ne vint briser le parfait équilibre de cette nature sauvage et ignorée.

- Je suis content que tu sois venu fit la voix derrière eux. Grandcornu était arrivé sans un bruit malgré sa taille colossale. Je vous attendais depuis le songe de Bastheta.
- Ainsi c'est bien toi qui as envoyé ce message, dit Harpidesternen. Il regardait son vieux compagnon de combats, encore plus grand, plus fort, plus imposant. Comme avant, il posa sa main sur son mufle humide. Je suis heureux de te revoir. Qu'as-tu de si important à nous faire voir ?
- Montez sur mon dos, vous tous. Vous verrez. Laissez là votre matériel, il ne craint rien. Ils escaladèrent le dos de l'animal ailé et, quand il fut certain que tous étaient suffisamment arrimés, Grandcornu décolla. Un léger battement d'aile et ils montèrent vers le ciel clair. Ils filaient à grande allure, laissant en dessous d'eux, plaines, vallons et forêts se succéder jusqu'à ce qu'un massif énorme barre l'horizon. L'hippogriffe leur recommanda de se cramponner d'avantage et entama une montée vertigineuse.

La plaine herbeuse fit place à des vallées profondes surplombées de pics où s'accrochaient les nuages blancs. D'autres hippogriffes se joignirent à eux et ce fut bientôt une véritable escadre qui aborda la dernière paroi. Avec dextérité, ils s'engagèrent dans une anfractuosité du rocher et pénétrèrent au cœur même de la montagne. L'obscurité ne gênait aucunement le vol de leur monture et de son escorte. Harpidesternen et ses compagnons leur faisaient une confiance absolue. Le vol aveugle leur sembla durer une éternité, puis la lumière les surprit brutalement. Ils étaient arrivés sur un haut plateau inondé de soleil. Là les attendaient une foule silencieuse d'hippogriffes, étonnant spectacle d'ailes battantes. Grandcornu descendit vers elle et se posa près d'un orifeu recouvert de mousse et de branchages. Les voyageurs mirent pied à terre, intimidés par les masses sombres de ses semblables, contrastant avec le calme quasi religieux qui régnait.

- Harpidesternen, regarde ce que nous avons découvert il y a peu à la source d'une de nos rivières. Il se pencha sous l'orifeu et resta muet de stupeur. Devant lui, dans une sorte d'écrin de verdure, trois grosses pierres noires et sept autres plus petites, couleurs de ciel.
- Alors ce n'était pas une légende, murmura-t-il. Tous se succédèrent pour admirer avec respect ce qu'ils avaient reconnu comme étant les « dix pierres du grand secret », aussi nommées « clefs des mondes inconnus ». Il était rapporté dans les grands livres que ces happelourdes apportaient le savoir absolu de toute chose et offrait à leur détenteur la possibilité de connaître l'emplacement des portes vers d'autres mondes. Grandcornu parla à nouveau :

- J'ignore pourquoi le sort a voulu que ce soit nous qui découvrions ces pierres. Nous avons beaucoup hésité avant de te faire signe. Mais seul un homme tel que toi pouvait connaître cet événement et prendre les bonnes décisions. Le vieil aventurier consulta un instant Bastheta et ceux qui l'avaient suivi, puis pris à son tour la parole :
- Cher compagnon, je te remercie chaleureusement de nous avoir permis de contempler ce qui jusqu'alors n'était qu'un mythe. Mais je crois que nous n'avons pas le droit de prendre de risque. Nous allons enterrer ces pierres au plus profond de ton territoire, afin que personne ne les retrouve jamais. Je pressens que tout le savoir qu'elles contiennent est aussi porteur de tous les malheurs possibles. Si elles tombaient entre les mains d'un nouvel Aarkham, l'Avers et des autres mondes ne seraient bientôt que flammes et souffrances. Les grands livres affirment qu'on ne peut les détruire. Alors enfermons-les pour l'éternité au sein même de la terre qui les as créées. Les pierres furent emportées dans une grotte ignorée, puis les hippogriffes effondrèrent la montagne sur elles. Après quelques jours de repos, Grandcornu ramena ses invités au confins de la vallée perdue. Puis le groupe repris le chemin de l'Avers et des terres d'en haut. Harpidesternen avait décidé d'aller saluer Gorouk dans sa tour gardienne. Bastheta, heureuse de ce dernier voyage, marchait devant à ses côtés. Son intuition s'était révélée juste.

Cependant, ils ne pouvaient voir l'éclat bleuté couleur de ciel, qui brillait de temps à autre à la ceinture de leur plus jeune compagnon.


Mon trésor de vie

Un jour calme et tranquille
Au bout du chemin creux
Tout au loin la ville
Semble un géant malheureux.
Rien ne bouge.
Ni les rameaux
Souples des bordures,
Ni l’oiseau,
Posé sur la ramure
Frêle des grands roseaux.
Un air parfumé caresse
A peine la houle
Immobile des blés.
La vie murmure la paresse
Et s’écoulent
Les heures chaudes de l’été

Elle danse
Plus qu’elle ne marche
Devant moi.
Sa robe balance
Et je vois l’arche
Souple de ses hanches
Qui ondule mon émoi.
Nos mains se frôlent
Nos bouches
Se rejoignent.
Je touche
Son épaule
Nue
Et l’univers s’éloigne
Et le temps suspendu.

Bientôt la mousse
Accueille
Nos baisers.
Ses mains et ses lèvres
Me poussent
A d’autres fièvres
Assoiffées.
Inclinant à son désir
Mes doigts fébriles
Cueillent
Sa rosée,
Sur le bourgeon fragile
De son plaisir
Délivré.

L’amour
Et puis l’amour
Encore.
A contre jour
Les formes de son corps
Souples et rondes
Et leur lent mouvement
Comme une onde.
Plus rien ne compte
Que d’être
Et son ventre
Où je pénètre.
Elle murmure
A fleur de mot
L’inavouable
Et le sublime
L’incohérente errance
Et la déraison
Des amours charnelles
Intemporelles.
Elle murmure
La plainte
La complainte
Eternelles.
Soupirs profonds
Rythme des cœurs
A l’unisson
Du même désir
Du même plaisir
Venu
En vagues
Incoercibles.

Enfin la mort
De nos deux corps
Apaisés.

S’allument les étoiles.
A l’horizon
Sombre le soleil
Derrière les moissons.
Un merle voyeur
Lance moqueur
Son trille vers le ciel.
Elle,
Elle met de l’ordre à ses dentelles.
Jamais vu plus belle
Qu’elle.
Retour
Silences
Regards tendres
Sourires complices
La nuit
S’avance. 

J’ai trouvé
Ce bel été
Mon tendre trésor
De vie
De folie
De sérénité.

Au bout du chemin creux
L’oiseau
Des grands roseaux
A regagné son nid
Le jour s’achève
Et commence le rêve
De l’amour infini.