Le saint Roy fleur de lys, au chêne séculaire
Ignorait tout encore des funestes entreprises
Où ses preux chevaliers, ses braves légendaires
Périraient pour la Croix, au saint nom de l’Eglise.
Dans les lices ornées des armes des princesses,
De hardis cavaliers, en combat singuliers,
Le heaume empanaché, lançaient leurs destriers,
Dans l’espoir d’un regard des royales altesses.
Harassés de labeur, les pauvres en haillons
Voyaient passer amers et palpitants d’effroi,
La chasse du seigneur traversant les sillons
Et partir la récolte aux pieds des palefrois.
Dans des cours ignorées, des manants, des poètes,
Des enfants va-nu-pieds, des fous et des jongleurs,
Luttaient contre les lois des princes et des prêtres
Avec leurs guiternes, leurs ballades et leurs cœurs.
Dans ces lieux d’où parfois s’élevaient leurs chansons,
Entraient à grand fracas les compagnons du guet,
Qui dans un lourd silence, sous les regards inquiets,
Emmenaient
quelques uns jusques à Montfaucon
D’imposantes bâtisses s’accrochaient aux montagnes,
Où des hommes de bures, courbés sous le travail
De copistes divins, ou d’humbles valetailles
Priaient dans le silence pour les gens des campagnes.
Et quand, parfois, s’ouvraient les énormes portails
Pour laisser pénétrer pèlerins ou bien gueux
Venus chercher ici, auprès des gens de Dieu,
Un peu de brouet clair et un trou dans la paille
Avant que de reprendre leur marche à travers bois,
On entendait alors le murmure où se fondent
Dans le chant grégorien et les cœurs et les voix,
Pour porter jusqu’au ciel, les misères du monde.
D’inquiétantes clairières au
creux des forêts sombres
Préparent en secret la noire
cérémonie,
Où incubes et succubes en
d’odieuses orgies,
Se mêleront informes aux
sorcières sans nombre.
Et puis, à la minuit, dans un
éclair énorme,
Surgira du Néant, enfin, l’Etre
innommable.
Sulfureuse et infecte, la
gigantesque forme
Dans un bruit de tonnerre,
s’assiéra à la table.
Alors commencera la folle
sarabande
Grimaçante et lubrique de ceux
qui n’ont plus d’âme.
Et dans les grands sapins, leurs
ombres rougeoyantes
Danseront le sabbat devant leur
maître infâme.
Au cœur des forteresses, sous le
hennin de soie,
Dans le jardin enclos au doux parfum de rose,
Dans le jardin enclos au doux parfum de rose,
La dame au teint de pêche
écoute, cœur en émoi,
Du jeune troubadour, la
fascinante prose.
Il lui dit les amours de sage
jouvencelle
Gardée dans une tour par un
triste seigneur,
Et qui, par la magie d’un savant
enchanteur
En oiseau transformée, s’enfuit
haut dans le ciel
Retrouver, éperdue, au pied d’un
orme immense
Un musicien poète, à lui même
pareil.
Et la dame troublée se sent
pousser des ailes
En regardant les mains sur la
vielle, qui dansent.
Mais des voix qui résonnent ont
donné le signal,
Et devant les chevaux ont
abaisse le pont :
Les hommes en poussière des
courses par les monts
Font au maître en armure, un
retour triomphal.