vendredi 2 septembre 2016

Le premier jour


Je sus plus de latin qu’un clerc de Nostre Dame mais fus moins assidu aux offices qu’une ribaude du Trou Margot. De la porte Saint Jacques aux bas quartiers nos bandes s’égayaient chaque soir. Jamais assez de pichets, jamais assez de pâtés, ni de poulardes, jamais assez de rires, jamais assez de filles. Quand nous étions francs... repus, qu’on avait épuisé le vin de Morillon ou celui d’Argenteuil, elles montaient sur les tables et nous montraient leurs cuisses et leurs croupes. Puis elles venaient s’asseoir sur nos bedaines pour voir si bon fouteurs nous étions et se faisaient prendre comme sorcières chevauchant leurs balais.

Que sont ces amis devenus ... Un par un ils ont glissé dans le néant. Qui gigote encore au gibet de Saint Benoît, qui a subi pire encore. Qui d’autre est devenu professeur en Sorbonne remplaçant les tétins fermes des jeunes catins par des mamelles grasses que seuls leurs marmots goûtent encore.
Et moi, le vieux paillard je touche au port.

Trop couard pour voler, trop chrétien pour occire, mais bien assez menteur pour mendier. Je braillais des psaumes sur le parvis des églises et débitais des poèmes aux portes des auberges où on ne me laissait plus entrer. J’avais parfois encore les grâces d’une vieille putain à la peau plus rude que bure qui me laissait la ruer pour un ou deux sols

Mais ce soir est mon dernier soir.
La camarde m’a rendu visite sous les traits d’un chevalier du guet qui m’a fait jeter dans un cachot pour injure au prévôt. Au fond, ce n’est pas improbable. Dans une heure mes os tournoieront au bout d’une corde et mes yeux nourriront pies et corbeaux. La belle affaire.

Demain, foutre mot, mon corps pourrira en fosse commune.
A moins qu’un tripier ne le dérobe pour améliorer ses terrines, si il n’a pas corps plus tendre à dépecer. Mon âme, s’il m’en reste une, rejoindra celle des gueuses aux cimetière des Innocents. J’y retrouverai celle de la Machecoue qu’égorgea par bravade Montcorbier dit Villon, mais que j’aimais en secret.

Ce sera le premier jour de ma mort et celui de nos retrouvailles


5 commentaires:

  1. Bonsoir.

    C'est un sacré exercice de style! :-).
    En fait, c'est un langage auquel on si peu habitué que personnellement,j'ai dû faire une première lecture, juste pour le vocabulaire et la "musicalité" différente de celle des textes contemporains. Puis mon cerveau a bien voulu, à la seconde lecture, s'attacher à l'histoire :-).
    Bref, le tout est vraiment sympa!

    Si je peux me permettre, je n'aurai pas dit non à un petit lexique pour me promener plus facilement dans le texte et apprendre le sens des mots d'ancien français au fur et à mesure de ma lecture.

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  2. stouf
    Eh c'est génial,https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=6JMCgVFYAqQ,je fuis avec avec un très-profond refpect. Monseigneur...
    Je te le pique et le met sur ma face de bouc (https://www.facebook.com/franz.kaf) mais si tu l'as unpeu copier sur françois Villon...je t'occis immédiatement ! :o)

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  3. Arpenteur d'étoiles17 septembre 2016 à 09:24

    Salut Stouf
    très content que tu sois venu sur mon blog :)
    je n'ai pas copier Villon, mais j'avais lu le livre de Jean TEULE : "Je, François Villon". Ce livre est formidable et conte la vie de Villon. Donc le "Trou Margot" et la "Machecoue" tuée par Villon sont les deux liens que j'ai utilisés dans mon mini texte :o)

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  4. stouf
    Ah fichtre,ce bougre de Teulé ! Lis aussi Charlie neuf...la régente Médicis,la st Barthélémie et les chasses à coures du taré dans les salles du Louvres,super.

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  5. Du haut vol ! Tu es vraiment à l'aise partout... et tu nous brosses des portraits dans lesquels nous entrons, avec régal !

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