lundi 19 septembre 2016

Si l'on m'avait dit

Si on m’avait dit qu’elle serait là, comme une ombre assise sur le banc de pierre.

Plus de dix années s’étaient écoulées. Dix années pendant lesquelles je vivais dans la mémoire d’elle sans jamais pouvoir m’en évader. On tente de construire des murs pour se séparer des douleurs du passé. Mais toujours une fissure apparaît d’où s’échappe un rai de lumière diffuse, comme un regard croisé, un parfum respiré, un mot ou un rire entendus au détours d'une rue, qui nous font tourner la tête en pensant que c’est elle.
On trébuche sans cesse sur nos souvenirs. Ils se saisissent de nous, nous triturent et nous laissent exsangues des larmes pleins les yeux, et une amertume douce dans la bouche.

Souvent mes pas me ramènent vers le cimetière où elle repose depuis dix ans. Il est adossé contre une colline ronde. De là-haut on domine la vallée où s’accrochent souvent des écharpes de brumes grises. Mais les matins de printemps le soleil baigne la campagne d’une lumière bleutée.

Hier elle était là, dans cette lumière, silhouette légère. Elle m’a regardé en souriant, pâle, presque transparente. « Arrête de venir ainsi pleurer sur ma tombe ; je n’y suis plus depuis que l’on m’a couchée dedans. Ne te complais pas dans cette tristesse qui t’empêche de renaître et d'aimer encore. Regarde comme la nature est belle et comme le monde a changé. Toi tu demeures drapé dans ton lourd manteau d’hier ». Elle est restée comme flottant devant moi, a déposé une forme de baiser sur mes lèvres et s’est évanouie dans la tiédeur de l’air.

Si on m’avait dit qu’un jour la mort me redonnerait la vie.

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