lundi 21 mars 2016

My english teachers

La première s’appelait mademoiselle Mouton ; cela ne s’invente pas. Apparence de jeune bourgeoise plutôt coincée, chignon blond sur une nuque un peu raide et, bien entendu, jupe plissée bleu marine. Elle était Miss Sheep ce qui ne faisait pas beaucoup avancer les choses Elle aurait du se nommer plus justement Miss big horse. Nous apprenions les (bonnes) mœurs de la famille Wilson dont les enfants Betty et John s’ingéniaient à se trouver in the kitchen, ou in the bedroom pendant les heures de cours. Le livre avait un cache en plastique que nous apposions sur la page de droite pour masquer le texte que nous tentions de deviner à l’aide des images visibles sur la page opposée.

Miss Mouton a failli me dégoûter à tout jamais de la langue anglaise.

Dans la sixième moins « littéraire » que la nôtre, sévissait un autre prof répondant au nom de sir Wilson (juste retour des choses). On comprenait assez rapidement qu’il venait d’outre manche (from the other side of the Chanel) Il expliquait le mot « shoe » en mettant la sienne sur le bureau, son pluriel en posant la paire, ce qui était paraît-il fort spectaculaire. Je n’ai jamais su si le reste de son accoutrement (il passait parfois dans les couloirs, grande ombre squelettique et dégingandée, et donc j’affirme utiliser ici le terme à bon escient) suivait le même chemin au cours des autres leçons.

Puis vint en cinquième mademoiselle Sénéclauze. Nous aurions été djeun’s aujourd’hui, nous aurions dit d’elle : « c’t’une bombe c’te meuf !», « elle doit être grave bonne !» ou « ‘tain j’la kiffe à donf. Clair !». Son décolleté profond, ses mini jupes, sa taille de guêpe et sa façon d’arranger sa coiffure d’un mouvement léger d’une rare féminité ne m’ont cependant aidé à réaliser que de très infimes progrès, trop occupé que j’étais à ramasser inlassablement mon crayon qui s’ingéniait à tomber sous mon bureau, placé bien sur juste devant le sien.

Ensuite se succédèrent toute une série de jeunes filles à l’aspect varié mais non avarié. Une certaine mademoiselle Maillard frôlait l’hystérie lorsque des cafards tombaient de l’épaisse tenture en velours rouge, qui servit un temps de porte à la salle de classe. Nous continuions, quant à nous, à récupérer consciencieusement nos gommes, taille-crayons ou stylos plumes baladeurs, histoire d’affiner nos connaissances des dessous féminins.

En première vint une autre bombe assez ahurissante. Soixante huit était visiblement passé par là. Je crois qu’elle s’appelait mademoiselle Cresson. Elle piqua une vraie crise de nerf lorsque mon ami Frédéric à qui elle avait intimé l’ordre de prendre la porte, lui demanda « what can I do with the door miss, please ? », après l’avoir posément dégondée. En cela, il avait obéi à la lettre à la demande de notre professeur.

De mes english teachers lors des études supérieures je n’ai à vrai dire que peu de souvenirs. Si ce n’est en cinquième année, où une femme d’âge mur vraisemblablement très heureuse d’enseigner aux jeunes adultes que nous étions, me marqua d’avantage que les autres. Grande, elle était de ces femmes qui allient à la perfection une véritable élégance et une étonnante vulgarité, capable de dire avec le sourire les pires horreurs. Certains matins sa bouche charnue se faisait plus carnassière et ses paupières lourdes et bleutées ne laissaient planer que peu de doute sur ses activités de la nuit précédente. Nous avions désormais des idées tout à fait précises sur ce que les filles pouvaient porter sous leurs jupes, robes ou jeans, mais la vue fugace de son porte-jarretelles quand elle croisait et décroisait les jambes, nous tenait malgré tout assez en haleine.

J’ai dû reprendre il y a quelques années des cours de perfectionnement de cette sacré langue anglaise ; financés par ma société, mais par téléphone. Une bonne familiarisation avec les accents écossais, irlandais, africaner ou américain. J’ai pu me rendre compte que toutes celles que j’ai citées plus haut m’avaient malgré tout donné des bases pas si friables que cela. En tout cas ces sessions m’ont permis d’être moins mutique lors des world meetings of my business unit. Quoiqu’il en soit, les seuls participants avec lesquels j’ai le plus de mal à communiquer sont les anglais et les américains. Le reste du monde pratique un anglais « arrafatien » et fait de réels efforts pour écouter et chercher à comprendre ce que les autres tentent d’exprimer. D’ailleurs, lors de la première intervention que j’ai dû assurer lors d’une de ces fichues réunions, le premier à poser une question fut mon collègue californien. Il souffrait d’un jet-lag d’enfer, avait dormi quasiment pendant la totalité de mon exposé et s’est réveillé juste pour demander la parole. Je n’ai pas compris un mot de ce qu’il a dit ! J’ai alors suggéré à notre responsable marketing, qui elle, parle cinq langues, de répondre à ma place, ce qu’elle fit avec une grande gentillesse et un petit sourire limite énervant.

Juste pour clore ce long monologue. La société dans laquelle je travaille fabrique une mousse très fine et très spécifique, pour l’industrie que l’on appelle le « bra », c’est à dire celle des soutien-gorges (d’où le nom de « wondrebra »).

Ce n’est pas moi qui s’occupe de cette activité … allez comprendre !


1 commentaire:

  1. J'aime bien relire ce texte dont tu nous a donné des extraits sur les Impromptus o:) Je reconnais bien le style. Je n'ai aucune envie de revenir sur mes profs d'anglais (je n'en ai d'ailleurs pas eu beaucoup o;) (mon anglais s'en ressent), ce qui m'ennuie beaucoup, parce que j'aime beaucoup d'écrivaines anglaises que j'aimerais lire dans le texte... Woolf, Austen, et Eva Rice, récemment...

    ps. Je me suis acquittée de l'année de mes quatorze ans, mais je ne suis toujours pas fixée sur les réponses à donner aux questions que je me pose, à savoir, à quoi pouvaient bien s'intéresser les garçons lambda de 14 ans (je considère, peut-être à tort) qu'un garçon de quatorze ans qui est devenu un homme qui écrit et aime écrire ne devait pas être du modèle courant...

    RépondreSupprimer