samedi 26 mars 2016

A la manière d'un conte oriental


Un prince très puissant nommé Nirpesh-Pushan, décida un jour de délimiter l’immensité du territoire sur lequel il exerçait un pouvoir absolu.

Il envoya des ambassadeurs aux confins des quatre points cardinaux afin qu’ils déterminent exactement où finissaient ses terres.

Après longtemps, les trois premiers revinrent et lui tinrent pareil langage :
- Seigneur vos terres sont sans limite, sinon les plus hautes montagnes ou l’infini des mers. Tout vous appartient. Le soleil ne se couche jamais sur votre empire. Les étoiles sont moins nombreuses que la foule de vos dévoués sujets.
- Bien, fit le prince. Mais où est donc mon quatrième ambassadeur ?
- Il ne saurait tarder Seigneur : il a dû traverser les déserts les plus arides et le chemin fut pour lui plus long encore que pour nous.

En effet, quelques jours après, le quatrième messager du prince arriva enfin au palais.
Tous attendaient son rapport et la foule des courtisans était au complet pour entendre l’homme :
- Seigneur, vos terres sont sans limites, il est vrai, sinon les plus hautes montagnes ou l’infini des océans. Cependant …
- Cependant quoi ? Gronda Nirpesh-Pushan.
- Cependant, Seigneur, il est dans le désert le plus reculé de votre royaume un homme, un sage ermite aux dires des gens de ce lointain pays, qui a disposé d’une parcelle de désert à sa guise. Il y cultive quelques herbes rares, médite à longueur de temps et ne cesse de répéter que ce misérable lopin est sien. Il a même poussé l’outrecuidance jusqu’à le fermer d’une porte de fer et de quelques clôtures rudimentaires. Il dit que ce jardin est à lui seul et que nul ne peut lui contester le droit d’y vivre comme bon lui semble. Et comme de mémoire d’homme, on le vit toujours en ce lieu, on murmure qu’il détient le secret de l’éternité

Le prince entra dans une colère épouvantable :
- L’éternité ? … Baliverne ! Je veux que cet homme fasse allégeance à ma grandeur et reconnaisse mon pouvoir sur toute chose. Il frappait de ses poings fermés la table d’ivoire et d’or et les accoudoirs d’albâtre de son trône colossal.
- Je veux connaître son secret, disait-il en martelant chaque mot d'un coup rageur.

L’ambassadeur continua alors :
- Seigneur, cet ermite que l’on dit philosophe est prêt à reconnaître en vous son unique maître. Mais à une condition.
- Une condition ? L’impudent personnage ! Quelle est-elle ? Parle enfin, parle ou je te jette aux crocodiles.
- Allez là bas avec votre armée entière. Si il arrive à la mettre en déroute à lui tout seul, il lèvera les barrières et vous livrera son mystère.

Nirpesh-Pushan éclata d’un rire énorme :
- Seul ? Faire fuir mes hommes aguerris et braves ? Cet homme est un dément. Que l’on arme les soldats. Que l’on prépare les montures. Que l’on entasse les provisions dans les chariots. Nous partons châtier ce vieux fou. Bientôt, le monde en sa totalité sera mien.

Après plusieurs semaines de marche, l’armée entière arriva devant la porte de fer, au milieu du désert. L’ermite sortit de sa méditation et leva les yeux vers le prince monté sur son plus bel éléphant.
- Je suis là dit le prince d’un voix forte. Crois-tu maintenant que tu peux défaire mon armée. Tu n’es qu’un vieux fou ridicule et couvert de vermines. Tu vas devoir ouvrir ta porte rouillée, t'incliner devant ma personne et me confier ton secret.
- Tu es venu Nirpesh-Pushan. C’est bien. Cela prouve ton immense courage de venir affronter ainsi un ermite tel que moi.
Il considéra l'imposante armée lui faisant face :
- Je mesure devant tant de puissance et de magnificence que toute résistance de ma part serait vaine. Mais avant d’ouvrir pour la première fois la porte de mon domaine, je vais te faire un cadeau.

L’homme alla chercher dans sa tanière une boîte confectionnée de bois et de paille, sans doute apportés jusqu’à lui par les vents du désert, et retenue par un lien en cuir.
- Prends-la et ouvre-la délicatement : une partie de mon secret y est celé.

Le prince amusé prit la boîte et l’ouvrit. Il en tomba deux petites souris. Son éléphant lança un barrissement de terreur et fit un écart qui le jeta à terre. L’animal bouscula la garde rapprochée désemparée et s’enfuit, chargeant tout ce qui se trouvait sur sa route. Les autres éléphants ayant aussi flairé l’odeur des souris en firent tout autant. Les hommes ne sachant ce qui se passait furent pris de panique et en quelques instants toute l’armée disparut à l’horizon, laissant le désert jonché de piques et d'épées, de provisions et d’outres éventrées, perdant l’eau sur la terre avide.

L’ermite considéra à ses pieds Nirpesh-Pushan abasourdi.
- Je crois que je vais conserver mon jardin et mon secret pour une bonne éternité encore, dit-il.

Il récupéra les deux souris et, sans plus adresser un regard au maître du monde, retourna méditer sur la cupidité et la bêtise des hommes.


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