Magali a quinze ans, rêve des rêves doux au fond de
ses draps blancs et pas toujours très sages. Sur ses murs des posters, photos
de paysages et de garçons étranges aux allures de voyou.
Elle écrit quelquefois des poèmes en cachette, des
lettres de désirs qu’elle n’enverra jamais, les ferme d’un ruban dans sa boite
à secrets, leur dessine des cœurs, gouttes d’encre violette.
Elle dissimule encore sous des pulls improbables les
formes généreuses que la nature lui fit. Ne pouvant ignorer qu’elle sera jolie
elle confie au miroir quelques regards coupables.
Mais hier au lycée le long des corridors elle a
croisé Alex et ses yeux d’océan. Dans son cœur tout à coup a soufflé l’ouragan
et sa vie dans l’instant a changé de décor.
Quand sa main doucement s’est posée sur l’épaule,
quand sa lèvre timide a embrassé ses lèvres, elle a senti monter l’incoercible
fièvre, et compris qu’elle allait tenir son premier rôle.
Et loin de cette ville au ciel couleur de brume
commença le voyage des jeunes amoureux, faisant fi des fâcheux et des lézards
grincheux, ces adultes aigris étouffés d’amertume.
Dans le creux d’une chambre ils ont refait le monde,
accordé à la vie ses plus charmants arpèges, ont choisi pour royaume un igloo
sous les neiges, et dansé des musiques aux idées vagabondes.
Magali a quinze ans et voit par la fenêtre les
écharpes du vent zébrer le ciel d’acier. Son amour dort au chaud au fond d’un
lit défait. Elle sait confusément que toujours, c’est peut-être.
Tout à l’heure ils iront imbriqués l’un à l’autre,
respirer un air frais qu’ils n’ont jamais connu, découvrant à nouveau ce qu’ils
ont déjà vu, riant de leurs audaces et se moquant des autres.
Je les verrais passer, assis au fond du parc, caressant vaguement le
marbre des statues, devinant que déjà la dernière des Parques a tiré du
fourreau la lame qui me tue.
Les Parques par David SPEAR |
Les Parques par Germain PILON |
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